Les maîtres anciens, "gardiens de la tradition" des Gnaoua du Maroc, sont conscients du fait qu'avoir élu Bilal comme ancêtre spirituel fut un moyen de justifier et préserver des pratiques hétérodoxes dans un milieu islamique. Selon leur récit, ces pratiques -apparentées à celles que l'on retrouve dans plusieurs pays africains, islamisés ou non -seraient originaires du pays d'Habachat (Abyssinie), d'où elles se seraient répandues bien avant la naissance de Bilal et l'expansion de l'Islam. Le royaume d'Habach occupa une position stratégique sur La route des voies caravanieres qui orientaient le trafic des marchandises et les migrations des peuples et des cultures entre l'afrique noire et le Moyen orient.
          L'héritage des anciennes civilisations du Croissant Fertile est gardé dans la structure de la Lila et dans les noms de certains "génies" évoqués au cours du rituel. La mémoire des ethnies qui forment le patrimoine génétique et culturel des Gnaoua du Maroc est préservée dans leurs chants et dans leurs danses : on peut ainsi énumérer parmi les ancêtres des noirs marocains d'aujourd'hui : les Bambara de Bamako (Mali), les Foulani de Sokoto, les Haoussa de Nigeria et Niger, les Sérères du Sénégal, les Mossi du Burkina-Faso, les Bourma et les Boussou (Bouzou) des royaumes de Bornou et de Baguirmi (Tchad).


          ( Antonio Baldassarre)

          Plus de documentation dans le CD enregistré en 1993 à Casablanca, Maroc par Antonio Baldassare.
          :: Gnaoua Lila – Gnawa Leila – Volume IV
              Les Maîtres du Guembri
              The Master of Guimbri